21 juillet 2008

Des enfants réussis

Préambule : je vais déroger à ma règle, et nommer directement l'une des personnes citées dans cette note, sans lui attribuer de pseudo. Il s'agit de la maman de mon compagnon, à savoir "Mamie"...

Mamie, qui souffre de la maladie d'Alzheimer, était chez nous ce week-end. Comme, depuis son entrée en institution en Avril, elle a quelque peu forci, nous avons cette semaine, Princesse et moi, acheté des vêtements pour elle, avec l'intention de les échanger s'ils ne lui allaient pas. En l'occurrence, il se trouve que nous avons fait un sans faute: sur la dizaine de vêtements, pas un à échanger. Tout lui va.
Samedi matin, c'était la séance d'essayage.

J'étais avec elle dans sa chambre, et l'aidais à se déshabiller puis à enfiler les différentes pièces. Mamie se regardait dans un grand miroir, puis je lui proposais de passer de sa chambre au séjour voisin, où son fils et nozados vaquaient à leurs occupations.

Mamie était au début quelque peu déstabilisée par ces essayages. Ça avait dû coûter beaucoup d'argent, et puis, ça avait dû coûter beaucoup d'argent. Par ailleurs, ça avait dû coûter beaucoup d'argent... C'est pour lui changer "l'idée" que je lui ai proposé de montrer au fur et à mesure à son fils et ses petits enfants chaque vêtement enfilé.

Nos zados sont des zados, et à ce titre, ils savent être implacables, et peuvent avoir la dent dure. Entre autres, ils n'hésitent pas à rire, quand elle n'est pas là, des errements de leur grand-mère (pour être honnête... nous en rions ensemble, et de bon coeur...). Et puis, lucides, ils précisent souvent "qu'est-ce qu'elle était chiante, Mamie... avant sa maladie!"

Et puis, vous commencez à les connaître, vous savez à quel point il(s) peu(ven)t parfois être odieux, infâme(s), désagréables(s).

Mais là, ils ont senti son trouble... si vous aviez vu la profonde, l'infinie gentillesse avec laquelle ils ont, chacun, trouvé pour leur grand-mère, sans aucune affectation, à chaque vêtement essayé, le mot gentil, le compliment approprié, le juste ton, si vous aviez vu leur sourire, leur regard, la caresse pour arranger un pli ou ajuster un col, le baiser pour accompagner le petit mot admiratif glissé à l'oreille... Mamie, d'inquiète et déstabilisée, est devenue confiante, puis radieuse, et riait de bonheur de tous ces essayages...

A ce moment, j'ai pensé "nous avons réussi nos enfants..."

01 juillet 2008

Souvenirs, souvenirs...

Aujourd'hui, mon amie F. m'a appris qu'on fabrique maintenant des lapins mécaniques pour raconter des histoires aux enfants le soir.
Après quelques "quelle connerie!", "dans quel monde de fous on vit..." et autres "bordel, c'est du grand n'importe quoi!", je lui ai fait remarquer que, quelles que soient les souffrances que j'endure (pleurez violons...) avec mes zados, je ne pourrai JAMAIS regretter d'avoir eu des enfants, à cause de l'extraordinaire, du fantastique, du merveilleux, de l'inépuisable plaisir que j'avais éprouvé, pendant leurs années de petite enfance, à leur raconter des histoires, à leur chanter des chansons, et à leur expliquer des choses...

Ce soir, Princesse et moi, en auto, revenant du bourg:
- tu te souviens, quand tu étais petite, de quand on vous mettait au lit?...
- euh... non, pas spécialement, pourquoi?...
- non, comme ça... tu te souviens pas du tout?
- si, je me souviens que Papa nous changeait les draps et puis un jour il a dit qu'on étaient grands, et qu'on devait le faire nous-même.
- ah bon?
- ouais, même que c'était bien quand il faisait notre lit. J'étais trop triste quand il a dit ça...
- mais bon, je parlais pas d'ça, tu te souviens, les histoires, les chansons au moment du coucher?...
- ah ouais... une fois, Papa nous avait lu un livre, j'me souviens, c'était Tintin et les Picaros...


J'avais tant de plaisir à ce moment du coucher qu'en général je m'y "collais" bien volontiers, Papa préférant d'autres moments privilégiés de la journée.
Tous les soirs, pendant leur première décennie, ils ont eu droit au grand minimum à une histoire, souvent deux, parfois plus, généralement suivies, une fois la lumière éteinte, d'une chanson, souvent de plusieurs, pour lesquelles je m'accompagnais à la guitare des quatre ou cinq accords basiques que je connaissais...
Ils ont écouté de Poule Rousse aux Histoires comme ça, de Boucle d'Or aux Contes du Chat Perché, de Tichien du Petit Chien aux Contes d'Andersen... Pour les chansons, c'étaient la plupart du temps des classiques, de Jean Petit qui danse aux Marches du Palais, de J'ai descendu dans mon jardin à l'Orphéoniste... J'y glissais tout de même quelques incongrues comme Le Duc de Bordeaux, Avanti popolo ou le Curé de Camaret, qui est fort mélodieuse...
Ce n'était jamais une corvée, toujours un plaisir, et parfois, même lorsque leur respiration était devenue douce et régulière dans la pénombre, je continuais par de tendres improvisations vocales sans parole, en arpégeant doucement pour mes enfants endormis...

La vie est quelque peu injuste. Princesse a oublié la règle, mais pas l'exception. Effacés, les petits livres, albums et histoires lus par Manman, et ses chansons douces... c'est Tintin et les Picaros, lu par un Papa inattendu, qui l'a marquée...